Tout est question de personnes et de bonne énergie

Entretien avec Leon Korošec, directeur de la division sports d’hiver et vice-président du groupe Elan.

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À propos du produit

Entretien avec Leon Korošec, directeur de la division sports d’hiver et vice-président du groupe Elan.

Entretien avec Leon Korošec, directeur de la division sports d’hiver et vice-président du groupe Elan.

Leon Korošec a conservé l’apparence d’un jeune cadre dynamique. À seulement 48 ans, il a déjà plus de 20 ans d’expérience dans l’industrie du ski. Il est difficile d’imaginer un profil plus approprié pour diriger la division sport d’hiver de la marque. Depuis deux décennies, Leon Korošec mène avec succès l’histoire du ski chez Elan. Originaire de Gorenjska, il est un homme cultivé adepte de biologie et de sciences sociales. C’est un businessman qui fait preuve d’empathie et de sensibilité à l’égard de ses employés, de l’environnement et de la société. À la fois intellectuel et sportif, il apprécie les moments en pleine nature. Il y puise l’énergie nécessaire pour relever les nombreux défis inhérents à son poste décisionnel.

À votre poste, quelle importance revêt le fait d’être un passionné de ski ?

Je pense qu’il est cohérent que les employés d’une marque d’équipement sportif aient une relation personnelle avec l’activité physique en question. Évidemment, cela est aussi valable pour moi. Il n’est pas nécessaire d’être un ancien athlète, mais il est bon d’être investi dans le sport. Chez Elan, nous avons des exemples intéressants. Certains de nos salariés sont impliqués dans le ski à très haut niveau : en compétition, en tant qu’experts ou enseignants.

Originaire de Tržič dans les Alpes slovènes, vous avez probablement skié dès l’enfance ?

Mes parents m’ont mis sur les skis dès mon plus jeune âge. À l’époque, le système scolaire était déjà orienté dans cette direction. On nous a inculqué l’amour du sport, du ski et de la nature. Les classes de neige et de plein air ont sans aucun doute été les meilleures semaines de ma vie. Je retrouve cela avec mes enfants et je souhaite que l’éducation en Europe continue de favoriser cette approche.

Combien de jours parvenez-vous à skier chaque saison ?

Au cours des dernières années, j’ai obtenu une note d’environ 16 sur 20. J’ai relativement peu de journées de ski complètes, car j’ai souvent des engagements professionnels lors de mes sorties. Cela doit représenter aux alentours d’une trentaine de jours.

Quelle est votre destination ski favorite ?

Je n’en ai pas une en particulier, mais plutôt cinq. Même si je suis originaire de Tržič, j’adore aller à Vogel pour ses fantastiques paysages de haute montagne et ses vastes possibilités de ski hors-piste. Je me souviens avoir remonté la Žagarjev graben qui part du fond de vallée avant le lever du jour. Au début, je percevais encore des lumières. Puis je me suis retrouvé dans l’obscurité totale et le silence. Des pensées d’ours et de loups ont commencé à me traverser l’esprit avant que l’aube apparaisse avec les premiers rayons de soleil dépassant des montagnes environnantes. La meilleure récompense à ma persévérance. « L’heure la plus sombre est celle qui vient juste avant le lever du soleil ».

En dehors de Vogel, j’adore skier en Italie dans les Dolomites et notamment sur le domaine skiable interconnecté de Sella Ronda. Où que vous soyez, les paysages sont magnifiques et la cuisine est excellente. D’un point de vue commercial, l’ensemble de la région des Dolomites est un très bon exemple de développement cohérent d’une destination et de coopération entre toutes les parties prenantes (stations de ski, hébergement, transport, etc.).

J’ai récemment voyagé au Japon, l’île d’Hokkaido est le paradis du ski hors-piste. Il y neige tout le temps et la vie locale est un contraste total avec Tokyo. Il est difficile de trouver des zones aussi préservées et rurales en Europe. Aux États-Unis, j’affectionne Vail. Ce choix peut sembler un peu cliché, mais en incluant les trois stations situées à proximité (Breckenridge, Copper Mountain et Beaver Creek) vous obtenez une expérience de ski exceptionnelle en haute altitude. Pour une excursion d’un week-end, Obertauern en Autriche est idéale. L’enneigement y est excellent, avec une grande variété de terrains.

Comment restez-vous en forme ?

Je réalise divers exercices fonctionnels, mais je préfère les activités de pleine nature. Je ski beaucoup en hiver, d’ailleurs plus en randonnée qu’en alpin. Je fais souvent des montées sèches, activité aérobique par excellence. Ce qui fait la beauté du ski de nos jours, c’est qu’il y en a pour tous les goûts.

Dans votre jeunesse, la marque Elan avait une forte signification symbolique pour les Slovènes. Comment la perceviez-vous ?

Je me souviens de ces moments avec mes parents au milieu des années 1980, où nous allions à la boutique Elan de Begunje pour acheter des skis. J’étais fasciné par les succès de Bojan Križaj, Mateja Svet et Ingemar Stenmark. Enfant de Tržič, j’étais particulièrement impressionné par Bojan. C’était une superstar à l’époque.

Je me rappelle les premiers skis monocoques MBX d’Elan. Je bénéficiais d’une bourse d’études et les skis coûtaient six mensualités. Cela ne m’a jamais dissuadé de les acheter. Avec mon camarade de classe Jure, nous sommes allés au magasin de Begunje pour en faire acquisition. Les miens mesuraient 203 centimètres de long et les siens 207. Il faudrait que je replonge dans les archives du développement pour vérifier les longueurs [rire].

Quel effet cela fait-il de rencontrer des skieurs légendaires comme Bojan Križaj ou Ingemar Stenmark en tant qu’employé d’Elan, après les avoir vus à la télévision durant votre jeunesse ?

Je mentirais de ne pas avouer que ce fut un honneur. Initialement, j’étais assez intimidé. Tous deux m’ont impressionné d’autant plus que j’ai appris à les connaître. Malgré tous leurs exploits, ils ont su garder les pieds sur terre. À l’occasion du 70e anniversaire d’Elan, nous sommes allés visiter Ingemar en Suède. Il nous a récupérés à l’aéroport et conduit chez lui. Son accueil a été des plus chaleureux. Un exemple de simplicité en dépit de la célébrité. Chapeau !

Avez-vous songé dans votre jeunesse à travailler pour Elan ?

Absolument pas. J’ai vu passer une annonce relative à un poste de directeur commercial chez Elan en 2001. J’ai écourté mes vacances pour me rendre à l’entretien d’embauche et j’ai obtenu la place. Une entrée en scène qui n’a rien de spectaculaire.

Depuis ses débuts, Elan s’est forgé la réputation d’un fabricant innovant qui a su faire évoluer le ski. Pourquoi un tel esprit créatif dans une petite ville comme Begunje na Gorenjskem ?

La sagesse populaire évoque l’importance de la philosophie initiale de création d’une entreprise. Cette vision originelle est le fil conducteur qui sert de guide pour l’avenir. Rudi Finžgar avait une idée claire qui lui a permis de lancer une société dynamique en dépit d’une période très défavorable au sortir de la Seconde Guerre mondiale. La population été alors focalisée sur la reconstruction du pays en ruine et la fabrication de skis paraissait bien futile en ces temps d’austérité. Néanmoins la passion créative et la volonté de Rudi étaient irrépressibles. En septembre 1945, il prononce sa phrase légendaire à l’inauguration de l’entreprise : « Qui peut bien penser au sommeil à l’argent ? Le monde m’attend. Et il attend Elan ! ». Ainsi est née la coopérative de fabrication d’équipements sportifs Elan.

Rudi Finžgar était un hyperactif, sans cesse en recherche d’idées à développer. Alors qu’il parcourait les champs autour des modestes ateliers d’Elan, il aurait dit à un paysan : « En l’an 2000, une monumentale usine Elan se dressera ici. Vous verrez ! ». Cette dernière s’inaugura dès 1970. L’innovation est inhérente à l’entreprise. Cette dynamique a toujours été maintenue, même en période de crise.Il est intéressant de noter que 92 % des employés d’Elan sont d’originaires d’un rayon à 50 kilomètres autour de Begunje.

Outre Elan, Begunje abrite également un autre phénomène mondial : le légendaire groupe Avsenik. Ces deux succès extraordinaires sont la preuve du caractère singulier de cette petite ville d’un peu plus de 1 000 habitants.

Nous sommes très fiers du groupe folklorique, ou plutôt de la famille Avsenik de Begunje. Les deux histoires sont caractérisées par un enthousiasme et une persévérance hors du commun. C’est peut-être le reflet de l’obstination légendaire des habitants de Gorenjska. Nous avons certainement notre part d’entêtement chez Elan. La dernière lubie en date est le ski pliant Voyager, dont le développement a duré sept ans. Malgré divers ratés, l’une des plus grandes ambitions de l’industrie du ski est sortie de l’usine Elan.

Elan a révolutionné le monde du ski avec quelques innovations clés. Selon vous, quelle est l’invention phare de l’entreprise ?

Le développement des skis paraboliques SCX au milieu des années 1990. C’est l’invention qui a tout changé, skier n’a plus jamais été la même chose depuis. Grâce à cette innovation, nous pouvons affirmer sans prétention que chaque ski produit sur la planète de nos jours contient un peu de l’ADN Elan.

Quel est votre intérêt pour l’aspect technique de l’industrie du ski ?

Ça me passionne. J’ai tout de même été instruit dans un lycée scientifique, même si je me suis par la suite orienté vers les sciences sociales. Les solutions mises au point par l’équipe développement d’Elan me captivent au plus haut point. J’ai toujours envie de comprendre les principes techniques sous-jacents. Le savoir de ces personnes est presque illimité.

La liste des innovations est longue. Récemment, les skis pliants Voyager ont attiré l’attention. Elan matérialise ainsi une ancienne ambition de nombreux fabricants. En quoi le concept Voyager change-t-il la pratique du ski ?

L’expérience de glisse est similaire à celle des skis classiques. Malgré la rupture d’intégrité du ski et la plaque de fixation pivotante, le Voyager conserve un haut niveau de performance. Sa skiabilité a impressionné des athlètes et autres skieurs avertis. D’un point de vue purement physique, le Voyager est presque un miracle. Ce concept favorise l’accessibilité au ski depuis le lieu de vie urbain. Le Voyager incarne notre objectif continuel d’offrir une expérience utilisateur optimale.

Où le Voyager a-t-il été accueilli avec le plus d’enthousiasme ?

Principalement dans les régions non alpines, où la population de skieurs est importante. En Europe, le Voyager s’est très bien vendu dans les métropoles éloignées des stations.

Qu’est-ce qui rend la marque Elan si atypique ?

Elan a toujours su combiner sophistication technologique et convivialité. Nous sommes high-tech sans démesure. L’entreprise a une vocation internationale, mais reste attentive aux valeurs locales. Notre réponse aux besoins de l’utilisateur passe par une compréhension des pratiquants. La ligne directrice d’Elan n’est pas focalisée sur le profit économique, mais sur l’expérience que nous souhaitons faire vivre aux skieurs. Nous mettons cela en place sur tous les marchés où nous sommes présents.A

Comment l’industrie du ski a-t-elle évolué au cours des trois dernières décennies ?

Le marché a atteint sa maturité, nous ne connaissons donc pas de croissance explosive à l’instar des firmes de la tech. L’industrie du ski s’est adaptée à la segmentation des pratiques. Les montagnes permettent différents types d’expérience de glisse et de nouvelles disciplines sont apparues depuis la fin des années 1990. Chacune requiert un équipement spécifique approprié aux attentes des skieurs. Il n’est plus anodin qu’un skieur possède deux ou trois paires de skis : piste, randonnée, freeride, etc.

Avec le développement du numérique, la gestion du matériel de location s’est métamorphosée sur les trente dernières années. Elan accorde beaucoup d’attention à ce segment.

En parlant de segmentation, Elan a su innover il y a vingt ans avec l’avènement de la série W Studio à destination du public féminin. Une première dans l’industrie du ski voire du sport dans son ensemble.

La pratique du ski est assez équitablement répartie entre les deux sexes. Il était cohérent de dédier une gamme à part entière aux femmes : des skis adaptés à leurs besoins, désirs et spécificités anatomiques. Il était logique pour nous d’impliquer les femmes sur l’ensemble du processus d’élaboration, de la phase de conception jusqu’à la production. Néanmoins ces skis ne sont pas nommément aux couleurs féminines. À l’instar des recommandations issues de l’ouvrage Don’t think pink , Elan se base sur l’expérience de l’utilisatrice et c’est pourquoi la série W Studio connaît un tel succès.

La sensibilité à l’impact environnemental monte en puissance. Comment abordez-vous le développement durable chez Elan, l’un des rares fabricants à produire l’intégralité de sa gamme sur un seul site ?

La durabilité est littéralement ancrée dans le mode opératoire d’Elan depuis près de quatre-vingts ans. Un certain nombre de pratiques inhérentes à l’entreprise méritent aujourd’hui le qualificatif « durable ». Nous agissions de la sorte bien avant l’avènement de cette notion essentielle désormais omniprésente. Il est acté chez Elan que la campagne située à 1 km de l’usine soit préservée et reste intacte. Cette conscience de l’environnement est constitutive de notre conception de l’industrie.

Il en découle une démarche systématique appliquée à tous nos domaines d’activités : développement, production, ressources humaines, administration, etc. Chaque service doit contribuer à la réduction des incidences sur l’environnement et à la réalisation de la neutralité carbone à court, moyen et long terme.

Elan n’est plus seulement la fierté de la Slovénie, mais une marque internationale présente aux quatre coins du monde. Quels sont les marchés les plus importants pour vous ?

La pratique du ski est historiquement ancrée dans les pays européens de l’arc alpin : Autriche, Italie, Suisse, France, Allemagne et Slovénie. C’est traditionnellement notre marché le plus important. Elan est également très présent en Amérique du Nord. Il existe des différences significatives entre l’Est et l’Ouest. Ces dernières années, la distribution vers la région asiatique a elle aussi connu une forte croissance.

Au fil des ans, Elan a été associé à de nombreuses légendes du ski. Ingemar Stenmark, le meilleur skieur de tous les temps, a accumulé les victoires sur des skis Elan. Les stars du skicross Filip Flisar, Kelsey Serwa, Brady Leman et Ryan Regez lui ont succédé sur la piste ; sans oublier le charismatique freeskier Glen Plake… Qu’apportent ces grands noms pour la visibilité de la marque ? Comment s’inscrivent-ils dans la philosophie Always Good Times ?

Une marque est un ensemble immatériel de représentations qui stimulent l’esprit des utilisateurs. Cet imaginaire peut être véhiculé par des produits, des anecdotes ou des personnalités. Si la plupart de notre public cible pratique le ski de manière récréative, notre présence dans le haut niveau est essentielle pour la construction de notre identité. Nous sommes honorés qu’Ingemar Stenmark, le meilleur skieur de tous les temps, ait réalisé ses performances sur nos skis. Au même titre, les succès récents de nos athlètes en skicross sont une fierté. La popularité de Glen Plake est également très bénéfique pour la marque, notamment au niveau du marché nord-américain. Ces skieurs professionnels partagent des valeurs communes stimulantes pour les pratiquants aussi bien occasionnels que passionnés. Le public est plus captivé par des individus exceptionnels et intéressants, que par de simples produits. C’est pourquoi les athlètes et autres personnalités atypiques du milieu du ski sont essentiels au développement d’Elan. 

Les interactions sociales au sein du groupe doivent également jouer un rôle important. Cela se reflète-t-il au niveau des produits finaux ?

Le rayonnement extérieur de la marque se base sur l’énergie interne à l’entreprise. Les relations entre employés sont la clé de cette dynamique. Lors d’un récent voyage au ski du personnel où tout le monde s’est bien amusé, j’ai pu apprécier à quel point notre équipe est soudée et cohérente. Chacun d’entre nous contribue à la prospérité du groupe Elan.

Comment percevez-vous l’avenir du ski ?

La pratique du ski repose sur un facteur naturel. L’instabilité climatique est devenue une réalité que l’on ne peut ignorer et dont il faut se préoccuper. Néanmoins le ski demeure l’une des rares activités hivernales de plein air susceptible d’apporter du bonheur et de la détente dans un cadre environnemental merveilleux. Chez Elan, nous souhaitons que le plus grand nombre possible de personnes puissent éprouver ces sentiments exaltants. Les générations futures doivent pouvoir continuer à bénéficier de cela. Nous croyons fermement en ce que nous faisons et nous restons engagés. Nous sommes convaincus que l’avenir du ski est prometteur.

Détails

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It is all about people and good energy

Entretien avec Leon Korošec, directeur de la division sports d’hiver et vice-président du groupe Elan.

Leon Korošec a conservé l’apparence d’un jeune cadre dynamique. À seulement 48 ans, il a déjà plus de 20 ans d’expérience dans l’industrie du ski. Il est difficile d’imaginer un profil plus approprié pour diriger la division sport d’hiver de la marque. Depuis deux décennies, Leon Korošec mène avec succès l’histoire du ski chez Elan. Originaire de Gorenjska, il est un homme cultivé adepte de biologie et de sciences sociales. C’est un businessman qui fait preuve d’empathie et de sensibilité à l’égard de ses employés, de l’environnement et de la société. À la fois intellectuel et sportif, il apprécie les moments en pleine nature. Il y puise l’énergie nécessaire pour relever les nombreux défis inhérents à son poste décisionnel.

À votre poste, quelle importance revêt le fait d’être un passionné de ski ?

Je pense qu’il est cohérent que les employés d’une marque d’équipement sportif aient une relation personnelle avec l’activité physique en question. Évidemment, cela est aussi valable pour moi. Il n’est pas nécessaire d’être un ancien athlète, mais il est bon d’être investi dans le sport. Chez Elan, nous avons des exemples intéressants. Certains de nos salariés sont impliqués dans le ski à très haut niveau : en compétition, en tant qu’experts ou enseignants.

Originaire de Tržič dans les Alpes slovènes, vous avez probablement skié dès l’enfance ?

Mes parents m’ont mis sur les skis dès mon plus jeune âge. À l’époque, le système scolaire était déjà orienté dans cette direction. On nous a inculqué l’amour du sport, du ski et de la nature. Les classes de neige et de plein air ont sans aucun doute été les meilleures semaines de ma vie. Je retrouve cela avec mes enfants et je souhaite que l’éducation en Europe continue de favoriser cette approche.

Combien de jours parvenez-vous à skier chaque saison ?

Au cours des dernières années, j’ai obtenu une note d’environ 16 sur 20. J’ai relativement peu de journées de ski complètes, car j’ai souvent des engagements professionnels lors de mes sorties. Cela doit représenter aux alentours d’une trentaine de jours.

Quelle est votre destination ski favorite ?

Je n’en ai pas une en particulier, mais plutôt cinq. Même si je suis originaire de Tržič, j’adore aller à Vogel pour ses fantastiques paysages de haute montagne et ses vastes possibilités de ski hors-piste. Je me souviens avoir remonté la Žagarjev graben qui part du fond de vallée avant le lever du jour. Au début, je percevais encore des lumières. Puis je me suis retrouvé dans l’obscurité totale et le silence. Des pensées d’ours et de loups ont commencé à me traverser l’esprit avant que l’aube apparaisse avec les premiers rayons de soleil dépassant des montagnes environnantes. La meilleure récompense à ma persévérance. « L’heure la plus sombre est celle qui vient juste avant le lever du soleil ».

En dehors de Vogel, j’adore skier en Italie dans les Dolomites et notamment sur le domaine skiable interconnecté de Sella Ronda. Où que vous soyez, les paysages sont magnifiques et la cuisine est excellente. D’un point de vue commercial, l’ensemble de la région des Dolomites est un très bon exemple de développement cohérent d’une destination et de coopération entre toutes les parties prenantes (stations de ski, hébergement, transport, etc.).

J’ai récemment voyagé au Japon, l’île d’Hokkaido est le paradis du ski hors-piste. Il y neige tout le temps et la vie locale est un contraste total avec Tokyo. Il est difficile de trouver des zones aussi préservées et rurales en Europe. Aux États-Unis, j’affectionne Vail. Ce choix peut sembler un peu cliché, mais en incluant les trois stations situées à proximité (Breckenridge, Copper Mountain et Beaver Creek) vous obtenez une expérience de ski exceptionnelle en haute altitude. Pour une excursion d’un week-end, Obertauern en Autriche est idéale. L’enneigement y est excellent, avec une grande variété de terrains.

Comment restez-vous en forme ?

Je réalise divers exercices fonctionnels, mais je préfère les activités de pleine nature. Je ski beaucoup en hiver, d’ailleurs plus en randonnée qu’en alpin. Je fais souvent des montées sèches, activité aérobique par excellence. Ce qui fait la beauté du ski de nos jours, c’est qu’il y en a pour tous les goûts.

Dans votre jeunesse, la marque Elan avait une forte signification symbolique pour les Slovènes. Comment la perceviez-vous ?

Je me souviens de ces moments avec mes parents au milieu des années 1980, où nous allions à la boutique Elan de Begunje pour acheter des skis. J’étais fasciné par les succès de Bojan Križaj, Mateja Svet et Ingemar Stenmark. Enfant de Tržič, j’étais particulièrement impressionné par Bojan. C’était une superstar à l’époque.

Je me rappelle les premiers skis monocoques MBX d’Elan. Je bénéficiais d’une bourse d’études et les skis coûtaient six mensualités. Cela ne m’a jamais dissuadé de les acheter. Avec mon camarade de classe Jure, nous sommes allés au magasin de Begunje pour en faire acquisition. Les miens mesuraient 203 centimètres de long et les siens 207. Il faudrait que je replonge dans les archives du développement pour vérifier les longueurs [rire].

Quel effet cela fait-il de rencontrer des skieurs légendaires comme Bojan Križaj ou Ingemar Stenmark en tant qu’employé d’Elan, après les avoir vus à la télévision durant votre jeunesse ?

Je mentirais de ne pas avouer que ce fut un honneur. Initialement, j’étais assez intimidé. Tous deux m’ont impressionné d’autant plus que j’ai appris à les connaître. Malgré tous leurs exploits, ils ont su garder les pieds sur terre. À l’occasion du 70e anniversaire d’Elan, nous sommes allés visiter Ingemar en Suède. Il nous a récupérés à l’aéroport et conduit chez lui. Son accueil a été des plus chaleureux. Un exemple de simplicité en dépit de la célébrité. Chapeau !

Avez-vous songé dans votre jeunesse à travailler pour Elan ?

Absolument pas. J’ai vu passer une annonce relative à un poste de directeur commercial chez Elan en 2001. J’ai écourté mes vacances pour me rendre à l’entretien d’embauche et j’ai obtenu la place. Une entrée en scène qui n’a rien de spectaculaire.

Depuis ses débuts, Elan s’est forgé la réputation d’un fabricant innovant qui a su faire évoluer le ski. Pourquoi un tel esprit créatif dans une petite ville comme Begunje na Gorenjskem ?

La sagesse populaire évoque l’importance de la philosophie initiale de création d’une entreprise. Cette vision originelle est le fil conducteur qui sert de guide pour l’avenir. Rudi Finžgar avait une idée claire qui lui a permis de lancer une société dynamique en dépit d’une période très défavorable au sortir de la Seconde Guerre mondiale. La population été alors focalisée sur la reconstruction du pays en ruine et la fabrication de skis paraissait bien futile en ces temps d’austérité. Néanmoins la passion créative et la volonté de Rudi étaient irrépressibles. En septembre 1945, il prononce sa phrase légendaire à l’inauguration de l’entreprise : « Qui peut bien penser au sommeil à l’argent ? Le monde m’attend. Et il attend Elan ! ». Ainsi est née la coopérative de fabrication d’équipements sportifs Elan.

Rudi Finžgar était un hyperactif, sans cesse en recherche d’idées à développer. Alors qu’il parcourait les champs autour des modestes ateliers d’Elan, il aurait dit à un paysan : « En l’an 2000, une monumentale usine Elan se dressera ici. Vous verrez ! ». Cette dernière s’inaugura dès 1970. L’innovation est inhérente à l’entreprise. Cette dynamique a toujours été maintenue, même en période de crise.Il est intéressant de noter que 92 % des employés d’Elan sont d’originaires d’un rayon à 50 kilomètres autour de Begunje.

Outre Elan, Begunje abrite également un autre phénomène mondial : le légendaire groupe Avsenik. Ces deux succès extraordinaires sont la preuve du caractère singulier de cette petite ville d’un peu plus de 1 000 habitants.

Nous sommes très fiers du groupe folklorique, ou plutôt de la famille Avsenik de Begunje. Les deux histoires sont caractérisées par un enthousiasme et une persévérance hors du commun. C’est peut-être le reflet de l’obstination légendaire des habitants de Gorenjska. Nous avons certainement notre part d’entêtement chez Elan. La dernière lubie en date est le ski pliant Voyager, dont le développement a duré sept ans. Malgré divers ratés, l’une des plus grandes ambitions de l’industrie du ski est sortie de l’usine Elan.

Elan a révolutionné le monde du ski avec quelques innovations clés. Selon vous, quelle est l’invention phare de l’entreprise ?

Le développement des skis paraboliques SCX au milieu des années 1990. C’est l’invention qui a tout changé, skier n’a plus jamais été la même chose depuis. Grâce à cette innovation, nous pouvons affirmer sans prétention que chaque ski produit sur la planète de nos jours contient un peu de l’ADN Elan.

Quel est votre intérêt pour l’aspect technique de l’industrie du ski ?

Ça me passionne. J’ai tout de même été instruit dans un lycée scientifique, même si je me suis par la suite orienté vers les sciences sociales. Les solutions mises au point par l’équipe développement d’Elan me captivent au plus haut point. J’ai toujours envie de comprendre les principes techniques sous-jacents. Le savoir de ces personnes est presque illimité.

La liste des innovations est longue. Récemment, les skis pliants Voyager ont attiré l’attention. Elan matérialise ainsi une ancienne ambition de nombreux fabricants. En quoi le concept Voyager change-t-il la pratique du ski ?

L’expérience de glisse est similaire à celle des skis classiques. Malgré la rupture d’intégrité du ski et la plaque de fixation pivotante, le Voyager conserve un haut niveau de performance. Sa skiabilité a impressionné des athlètes et autres skieurs avertis. D’un point de vue purement physique, le Voyager est presque un miracle. Ce concept favorise l’accessibilité au ski depuis le lieu de vie urbain. Le Voyager incarne notre objectif continuel d’offrir une expérience utilisateur optimale.

Où le Voyager a-t-il été accueilli avec le plus d’enthousiasme ?

Principalement dans les régions non alpines, où la population de skieurs est importante. En Europe, le Voyager s’est très bien vendu dans les métropoles éloignées des stations.

Qu’est-ce qui rend la marque Elan si atypique ?

Elan a toujours su combiner sophistication technologique et convivialité. Nous sommes high-tech sans démesure. L’entreprise a une vocation internationale, mais reste attentive aux valeurs locales. Notre réponse aux besoins de l’utilisateur passe par une compréhension des pratiquants. La ligne directrice d’Elan n’est pas focalisée sur le profit économique, mais sur l’expérience que nous souhaitons faire vivre aux skieurs. Nous mettons cela en place sur tous les marchés où nous sommes présents.A

Comment l’industrie du ski a-t-elle évolué au cours des trois dernières décennies ?

Le marché a atteint sa maturité, nous ne connaissons donc pas de croissance explosive à l’instar des firmes de la tech. L’industrie du ski s’est adaptée à la segmentation des pratiques. Les montagnes permettent différents types d’expérience de glisse et de nouvelles disciplines sont apparues depuis la fin des années 1990. Chacune requiert un équipement spécifique approprié aux attentes des skieurs. Il n’est plus anodin qu’un skieur possède deux ou trois paires de skis : piste, randonnée, freeride, etc.

Avec le développement du numérique, la gestion du matériel de location s’est métamorphosée sur les trente dernières années. Elan accorde beaucoup d’attention à ce segment.

En parlant de segmentation, Elan a su innover il y a vingt ans avec l’avènement de la série W Studio à destination du public féminin. Une première dans l’industrie du ski voire du sport dans son ensemble.

La pratique du ski est assez équitablement répartie entre les deux sexes. Il était cohérent de dédier une gamme à part entière aux femmes : des skis adaptés à leurs besoins, désirs et spécificités anatomiques. Il était logique pour nous d’impliquer les femmes sur l’ensemble du processus d’élaboration, de la phase de conception jusqu’à la production. Néanmoins ces skis ne sont pas nommément aux couleurs féminines. À l’instar des recommandations issues de l’ouvrage Don’t think pink , Elan se base sur l’expérience de l’utilisatrice et c’est pourquoi la série W Studio connaît un tel succès.

La sensibilité à l’impact environnemental monte en puissance. Comment abordez-vous le développement durable chez Elan, l’un des rares fabricants à produire l’intégralité de sa gamme sur un seul site ?

La durabilité est littéralement ancrée dans le mode opératoire d’Elan depuis près de quatre-vingts ans. Un certain nombre de pratiques inhérentes à l’entreprise méritent aujourd’hui le qualificatif « durable ». Nous agissions de la sorte bien avant l’avènement de cette notion essentielle désormais omniprésente. Il est acté chez Elan que la campagne située à 1 km de l’usine soit préservée et reste intacte. Cette conscience de l’environnement est constitutive de notre conception de l’industrie.

Il en découle une démarche systématique appliquée à tous nos domaines d’activités : développement, production, ressources humaines, administration, etc. Chaque service doit contribuer à la réduction des incidences sur l’environnement et à la réalisation de la neutralité carbone à court, moyen et long terme.

Elan n’est plus seulement la fierté de la Slovénie, mais une marque internationale présente aux quatre coins du monde. Quels sont les marchés les plus importants pour vous ?

La pratique du ski est historiquement ancrée dans les pays européens de l’arc alpin : Autriche, Italie, Suisse, France, Allemagne et Slovénie. C’est traditionnellement notre marché le plus important. Elan est également très présent en Amérique du Nord. Il existe des différences significatives entre l’Est et l’Ouest. Ces dernières années, la distribution vers la région asiatique a elle aussi connu une forte croissance.

Au fil des ans, Elan a été associé à de nombreuses légendes du ski. Ingemar Stenmark, le meilleur skieur de tous les temps, a accumulé les victoires sur des skis Elan. Les stars du skicross Filip Flisar, Kelsey Serwa, Brady Leman et Ryan Regez lui ont succédé sur la piste ; sans oublier le charismatique freeskier Glen Plake… Qu’apportent ces grands noms pour la visibilité de la marque ? Comment s’inscrivent-ils dans la philosophie Always Good Times ?

Une marque est un ensemble immatériel de représentations qui stimulent l’esprit des utilisateurs. Cet imaginaire peut être véhiculé par des produits, des anecdotes ou des personnalités. Si la plupart de notre public cible pratique le ski de manière récréative, notre présence dans le haut niveau est essentielle pour la construction de notre identité. Nous sommes honorés qu’Ingemar Stenmark, le meilleur skieur de tous les temps, ait réalisé ses performances sur nos skis. Au même titre, les succès récents de nos athlètes en skicross sont une fierté. La popularité de Glen Plake est également très bénéfique pour la marque, notamment au niveau du marché nord-américain. Ces skieurs professionnels partagent des valeurs communes stimulantes pour les pratiquants aussi bien occasionnels que passionnés. Le public est plus captivé par des individus exceptionnels et intéressants, que par de simples produits. C’est pourquoi les athlètes et autres personnalités atypiques du milieu du ski sont essentiels au développement d’Elan. 

Les interactions sociales au sein du groupe doivent également jouer un rôle important. Cela se reflète-t-il au niveau des produits finaux ?

Le rayonnement extérieur de la marque se base sur l’énergie interne à l’entreprise. Les relations entre employés sont la clé de cette dynamique. Lors d’un récent voyage au ski du personnel où tout le monde s’est bien amusé, j’ai pu apprécier à quel point notre équipe est soudée et cohérente. Chacun d’entre nous contribue à la prospérité du groupe Elan.

Comment percevez-vous l’avenir du ski ?

La pratique du ski repose sur un facteur naturel. L’instabilité climatique est devenue une réalité que l’on ne peut ignorer et dont il faut se préoccuper. Néanmoins le ski demeure l’une des rares activités hivernales de plein air susceptible d’apporter du bonheur et de la détente dans un cadre environnemental merveilleux. Chez Elan, nous souhaitons que le plus grand nombre possible de personnes puissent éprouver ces sentiments exaltants. Les générations futures doivent pouvoir continuer à bénéficier de cela. Nous croyons fermement en ce que nous faisons et nous restons engagés. Nous sommes convaincus que l’avenir du ski est prometteur.